artaud/imprécations pour notre temps
José Lillo
Performances Poésies en mouvement #11 – Résistance
20 min
José Lillo (CH)
artaud/imprécations pour notre temps
performance
Résister ? À quoi ? À la réalité intangible des mots. À leur pouvoir de sidération. Au rapt de la pensée qu’ils commettent sans qu’on ait pu sentir ni voir venir la manœuvre. À l’emprisonnement des cervelles dans des certitudes capitonnées. À la production du délire. En masse. L’élevage d’aliénés est le produit d’une industrie des mots vouée à la capture de l’être, par laquelle le cerveau devient l’aliment d’ingénieries mentales synapsovores où se réplique à l’infini la dépersonnalisation de la vie. Le vingtième siècle a eu, en la matière, son témoin capital : Antonin Artaud. Victorieux de tous les enfermements, lui, le dépossédé de naissance, le vivant des vivants, l’évadé de toutes les morts, indemne – jusqu’à son dernier souffle. Lui, le sans-mots. Et c’est parce que tous les mots lui étaient odieux qu’il a su – comme nul autre les manier et de les embraser afin que le feu du langage accomplisse, avec toute la férocité requise, le désenvoûtement définitif de son être de supplicié. Cette onde-de-choc est parvenue jusqu’à nous. Contre le verbe et par le verbe. Magie blanche contre magie noire. Sorcier sans secte contre la société des sorciers de secte, d’où qu’ils proviennent. Puisant par fragments dans la totalité de l’œuvre d’Antonin Artaud, cette performance assemble pour asséner 12 minutes et 53 secondes de fulgurations d’un poète rescapé de la magie noire et des enfermements psychiatriques durant l’effondrement central du vingtième siècle. Un avertissement pour notre temps.
José Lillo est metteur en scène, acteur et dramaturge pour le théâtre et réside à Genève. Parmi les pièces qu’il a montées, citons : Nuit de Walpurgis (Karl Kraus), Gorgias ou de la rhétorique (Platon), Le Grand Inquisiteur et Les Démons (Dostoïevski), Mémoire de fille (Annie Ernaux), ou encore Le Misanthrope (Molière), Le Petit-maître corrigé (Marivaux), Woyzeck (Büchner) et Penthésilée (Kleist). Il est invité à des colloques universitaires sur l’engagement politique et, très actif dans des mobilisations citoyennes, il milite dans des collectifs pour la préservation de lieux sociaux et culturels exemplaires.