Hasty Falling Time

Hasty Falling Time
Tao Hui, Zheng Yuan, Liu Yi, Tang Chao, Zhu Changquan et Yuan Keru

Une sélection proposée par Yang Fudong

Hasty Falling Time

Une proposition de Yang Fudong

 

2020 est une année extrêmement spéciale. Comment continuer à vivre ? Et affronter le monde ? Le Centre d’Art Contemporain Genève propose une nouvelle sélection d’œuvres vidéo d’artistes chinois·es émergent·e·s. Leurs pratiques sont comme toujours nourries d’exubérance et de créativité. — Yang Fudong

 

Tao Hui
Pulsating Atom
2019, 14 min 12 sec

Avec l’aimable autorisation de l’artiste, Galerie Édouard Malingue, Hong Kong, Shanghai et Esther Schipper, Berlin

Pulsating Atom (2019) présente un chanteur de gala d’âge moyen, assez banal, qui met en ligne des fractions de vie quotidienne au moyen de courts métrages. L’œuvre concerne la frénésie des réseaux sociaux, et plus précisément le succès phénoménal de l’application chinoise Tiktok, spécialisée dans le partage de courts clips vidéo que les utilisateurs peuvent voir, produire, reproduire et partager. Le chanteur de gala par ses clips ne partage aucun lien réel, de la même manière que les utilisateurs qui interagissent via ces courts métrages, en partant des contributions de chacun. En tant que telle, et comme le souligne son titre, l’œuvre aborde l’atomisation de la société et la dissonance entre un accroissement des échanges et une solitude grandissante.

Né en 1987 à Yunyang, dans la municipalité de Chongqing et diplômé du Sichuan Fine Art Institute, Tao Hui vit et travaille actuellement à Pékin, en Chine. D’abord diplômé en peinture à l’huile, Tao s’est ensuite engagé dans l’art de la vidéo et de l’installation, puisant dans ses souvenirs personnels, ses expériences visuelles et sa culture populaire pour tisser une narration visuelle expérimentale, dont l’objet est souvent notre expérience collective. Tout au long de son œuvre, règne un sentiment de décalage vis-à-vis de l’identité sociale, du statut du genre, de l’ethnicité et de la crise culturelle, incitant le public à s’interroger sur les développements de sa propre culture et sur ses conditions de vie.

 

Zheng Yuan
A Brief History of China Northwest Airlines
2018, 27 min 48 sec

En 1987, le gouvernement chinois décide de procéder à des réformes de l’aviation civile et de créer six grandes compagnies aériennes selon des principes de « fonctionnement indépendant », « autofinancement » et « égalité des conditions de concurrence ». En 2002, un autre cycle de restructuration amène à la création de trois groupes de compagnies aériennes par le Conseil des affaires de l’État de la république et la compagnie China Northwest Airlines déficitaire depuis longtemps est absorbée par China Eastern Airlines. La compagnie aérienne s’incline et disparaît.

L’œuvre retrace le destin ultérieur de chaque avion après la faillite de la compagnie aérienne. La particularité des avions de ligne en tant que marchandises, le caractère unique de leur numéro de série attribue par le constructeur et les données pertinentes provenant des réseaux bien établis des organisations internationales de l’aviation civile font des images en ligne de la circulation des avions de ligne en mouvement constant au-dessus de nos têtes de véritables « archives » traçables dans le commerce mondial. Malgré la tentative frustrante de la réforme chinoise de séparer les entreprises des fonctions gouvernementales, l’enquête archéologique sur la China Northwest Airlines a montré comment l’espace aérien potentiel avait été contrôlé dans son ensemble par le pouvoir des politiques menées, et comment la base et la valeur matérielle avaient été segmentées après une complète prise de contrôle par l’économie néolibérale.

Zheng Yuan est né en 1988 à Lanzhou, en Chine, et vit et travaille actuellement à Pékin. Travaillant principalement avec des médias temporels, sa production se situe souvent au croisement de la fiction, du documentaire, de l’essai et des études d’investigation. Sa pratique se concentre sur l’identité, l’évaluation et sur sa relation toujours changeante avec l’histoire, le pouvoir et la représentation. En introduisant du matériel d’archives, des séquences et des situations trouvées, l’œuvre de Zheng acquiert une complexité enchevêtrée de contextes imbriqués.

 

Liu Yi
A Crow has been Calling for a Whole Day
2016, 11 min 30 sec

En novembre 2015, je suis allé en Inde. Cela fait un an que j’en suis revenu. L’influence de la période suivant le voyage s’estompe progressivement. Quand j’y repense à Hangzhou, les frontières régionales ont disparu, et peut-être sont-elles liées pour le moment à une autre ville et à mon propre corps. Les images qui défilent ont une temporalité potentielle et sont imprégnées d’imaginaire. La partie animation transforme les changements psychologiques en création visuelle. C’est une très longue peinture et la peinture devient de potentiels indices.

Les peintures statiques sont quelque chose qui reste après le retrait de l’élément temporel des images du film. Je suis très impressionné par les corbeaux en Inde. On peut en voir partout. Ils n’ont pas peur des gens ou des voitures qui passent. Leur coassement magique traverse toute la ville. Je vois une similitude entre eux et les gens couchés n’importe où dans les rues, dans une attitude de survie consistant à agir comme s’il n’y avait personne autour. En hindi, hier et demain sont les mêmes mots. Le temps n’avance pas. Les riverains comprennent le temps qui passe avec le fleuve, et c’est ici qu’ils brûlent les corps qui se transforment en cendre, retournant à la vie éternelle. Après avoir bu, ils cassent les coupes d’argile en morceaux qui tombent dans la poussière. Ils remplissent de nourriture de feuilles de bananier, vénèrent les rochers par des fleurs éphémères… – Liu Yi

Liu Yi est née en 1990 à Ningbo, en Chine, elle vit actuellement à Hangzhou. Elle passe une licence d’Intermedia Art et un Master à la China Academy of Fine Arts School respectivement en 2012 et 2016. Les premiers films d’art chinois et l’animation expérimentale sont sa principale direction de recherche. Elle déploie divers médiums à travers l’animation, le multimédia ainsi que l’installation spatiale pour refléter son expérience de la vie quotidienne et trouve plus de possibilités dans un espace en résonance avec le sujet de ses œuvres. Le public est invité à découvrir un monde parallèle différencié à travers ses œuvres éclectiques.

 

Tang Chao
The Scales Flicker, Like Trees Skipping the Flame
2019, 3 min 19 sec

Les échelles sont souvent utilisées pour décrire des choses insignifiantes. La lumière passe à travers les fentes du bois et, à mesure que nous nous déplaçons, elle clignote en continu. On comprend qu’un tel scintillement divise et transforme une image en mouvement en d’innombrables morceaux. Si on insère un cadre fixe dans les espaces entre chaque fragment, apparaissent alors des fleurs, des chevaux et des instantanés de la vie quotidienne. Ce sont les échelles de croissance d’une personne, une sorte de résidu fragmenté. En un clin d’œil, le temps passe… La substance de référence est en mouvement et disparaît, seul le flux est statique et continu.

Tang Chao est né en 1990 dans la province de Hunan, en Chine, il vit et travaille actuellement à Shanghai. Il est diplômé de la School of Inter-Media Art de l’Académie des Beaux-Arts. L’essence du travail de Tang Chao ressemble à des suggestions sur la légèreté en littérature. Il réduit par exemple un scénario entier en une phrase, en se concentrant sur le ton et le rythme de la phrase, et l’exprime par le moyen d’une caméra : mise au point, lumière et scènes tremblantes. Les mots ne constituent pas le contenu le plus important ; ils sont parfois chuchotés, bégayés ou même à l’envers. Il cherche à insérer une signification illocutoire dans chaque blanc de la manière la plus directe.

 

Zhu Changquan
Dark Beyond Deep
2019-2020,
17 min 40 sec

Avec l’aimable autorisation de l’artiste, Galerie Édouard Malingue, Hong Kong, Shanghai et Esther Schipper, Berlin

Dark Beyond Deep présente le processus de développement progressif de la conscience et de son extension du monde réel à l’espace virtuel par l’intermédiaire d’une corneille nommée « Cyma ». « Cyma » redéfinit les choses à l’intérieur du « jardin numérique » du film en les comparant à la logique de la réalité. Elle ouvre un nouveau passage à la réflexion entre les objets de la vie réelle et elle-même (objets numériques) dans l’espace numérique.

Zhu Changquan est né en 1989, dans la province du Shandong, en Chine, il vit et travaille actuellement à Hangzhou et Shanghai. Il est diplômé de l’Experimental Image Studio, School of Inter-media Art, de la China Art Academy en 2014. Ses activités artistiques s’appuient sur une analyse de la vie quotidienne. Il tente de révéler la règle de la vie quotidienne fondée sur une variété de facteurs potentiels qui influencent le comportement quotidien des humains. À travers ses œuvres, il construit de nouvelles relations narratives entre image intangible et objets quotidiens tangibles au moyen de différents langages, tels le théâtre, l’animation, l’installation, la peinture, etc.

 

Yuan Keru
Fleeting Strangers
2017, 27 min 10 sec

Fleeting Strangers virtualise quatre mondes parallèles et raconte quatre histoires de soft science-fiction qui se développent chacune de différentes manières et à des moments différents. Les personnages principaux de ces histoires représentent respectivement l’Élément-Test, les Administrateurs, le Survivant et le Cyborg. Ils sont progressivement bafoués, défavorisés, assimilés dans le développement de la science et la manipulation du système. Ils ont perdu leurs proches, leur liberté et leurs idéaux comme des bêtes murées dans les ténèbres du monde ou aux confins de l’univers. Entre l’aube et l’obscurité de leur brève vie, ils essaient également de lutter, de briser le carcan de la classe et du destin et de rechercher la patrie désertique et leur propre salut. Cependant à cause de leurs contradictions, de leur confusion, vulnérabilité et contrainte, dues à leur conscience d’être incapables d’agir, ils sont finalement incapables d’échapper aux personnages qu’on leur a imposé. Cette frustration et cette désillusion sont une véritable auto-projection sur les villes où s’exerce une exploitation extrême, où les circonstances entraînent une angoisse et une peur constantes, et une succession permanente de hauts et bas.

Yuan Keru est née en 1990 à Hangzhou. Sa création artistique s’intéresse à l’exploration du sens de la peinture, du rythme spatial et des récits de la vidéo, combinant des événements en cours, des émotions ayant trait à l’histoire, à la mythologie, aux rêves, etc. En rédigeant des romans, en brisant la structure du texte, en créant des scènes en costumes et en préparant des performances et des conversations semi-improvisées, elle confère à la vidéo le caractère du cinéma et les qualités du drame. Ses œuvres ont toujours un goût prononcé pour le mysticisme postmoderne, et les thèmes apparemment mélancoliques, sombres et violents sont souvent imprégnés de chaleur et de poésie. En créant un monde d’images surréalistes, elle reflète la perte d’appartenance et de pensée spirituelle de manière sensible avec des logiques élaborées et un champ d’énergie humaine.

Distribution: Gao Yanqin, Sena Kilian, Sivan Griffith